Victoires des leaders du capital humain – 19h- fin des conférences. La communauté RH se regroupe, partage, brain-storm. Bouillonnement d’idées et de jus de cerveaux concentrés en un lieu et milles sites d’expériences.
En synthèse des thématiques majeures, ressort un constat unanime : pour accompagner l’ensemble des transformations en cours, nos équipes doivent se transformer, évoluer, apprendre à apprendre, être agiles, créer, innover, entreprendre, remettre en question, test& learn…
Une multitude de postures considérées comme « nouvelles » ont été évoquées comme indispensables au monde de l’entreprise de demain.
L’enthousiasme est général devant le champ des possibles.
Il se dégrade un peu lorsqu’il s’agit de mesurer l’écart entre l’existant et l’idéal.
Car immédiatement vient aux lèvres de tous « And so what… ? »
Quelques pistes sont partagées sur l’organisation à mettre en œuvre plus « responsabilisante », sur le discours RH à tenir plus « Test and learn », sur les orientations stratégiques à prendre plus « innovantes », sur les outils à proposer plus « digitaux »…
Mais le brouillard reste entier sur la manière concrète d’avancer.
« Y’a qua-faut qu’on » sont de retour…
Je me tords sur la chaise pour contenir mon envie, croise les doigts pour éviter de les lever, mords ma langue pour l’empêcher de se délier et crier…
« Le premier frein ne serait-il pas la culture rationnelle dans laquelle nous vivons depuis trop longtemps ? Les carcans que nous continuons de poser ne nous empêcheraient-ils pas de tout repenser ? les stéréotypes que nous avons tant de mal à détruire n’en seraient-ils pas, pour partie, responsables… Autrement dit la piste du changement ne se situerait-elle pas dans une culture plus émotionnelle à instaurer ? Une culture qui développerait la maturité émotionnelle et relationnelle dès le plus jeune âge ? »
Silence… soupirs et bégaiements. Les têtes se hochent d’approbation et pourtant rien ne bouge.
Car il fallait nous regarder, nous, tous, dits de la communauté RH, sagement assis sur des chaises ordonnées en rang, à écouter le discours soigneusement préparé des experts sur l’estrade…
Nous voudrions voir nos équipes faire autrement, et nous reproduisons les mêmes modèles.
Ma grand-mère, (celle dont je parle si souvent dans mes post pour ceux qui me suivent), disait sagement « ma chérie, si tu empruntes un chemin qui n’est pas le bon, tente de te demander pourquoi, mais ne te « contente » pas de cela, empruntes-en un autre, quitte à te tromper de nouveau. Sinon, à même chemin, même résultat…Un jour, la bonne voie s’ouvrira ».
Elle était donc précurseur du test and learn 😉
Surtout, elle autorisait la culture de l’échec, ce OK du « je ne sais pas et je l’assume ».
Tenons-nous ce discours en entreprise ?
Oui, me diront les dirigeants… et c’est incontestablement le cas des dirigeants d’ETI que j’accompagne. Alors pourquoi vivons-nous un tel gap, entre discours et réalité ?
Qu’est ce qui empêche alors les collaborateurs d’accepter l’échec comme l’attitude « must have », l’innovation comme une habitude, la créativité comme un jeu quotidien ?
Peut-être les « fameuses » injonctions paradoxales dont personne ne semble remettre en cause l’existence. Comme si l’effort collectif à consentir était trop difficile à porter.
Nous aimerions qu’ils testent, qu’ils avancent à tâtons pour explorer… et nous fermons, bras croisés la porte émotionnelle de ce possible, rappelant le coût et la perte de temps de « l’exploratoire ».
Nous aimerions qu’ils disent « je ne sais pas, j’ai un doute, je dois me former » mais cette phrase renvoie à la sommation « je ne vous paie pas si cher pour ne pas savoir ».
Nous aimerions qu’ils écoutent leurs collaborateurs, qu’ils développent leur engagement, qu’ils managent en responsabilisant et nous réclamons des réunions reporting déshumanisées.
Nous aimerions qu’ils prennent à bras le corps l’entreprise comme si c’était la leur, qu’ils se responsabilisent et auto-entreprennent/ intra-entreprennent, et nous verrouillons les possibles en mettant les rêves dans des boites.
Nous aimerions qu’ils innovent, qu’ils créent, qu’ils remettent en question les modèles, et nous rappelons les règles et normes imposées du modèle actuel. La prise de risque non mesurée à sortir du carré…
En somme, nous aimerions que tout soit possible, dans un univers où nous passons notre temps à répéter que rien ne l’est. Et l’on s’en CON-Tente.
Trop peu de dirigeants et managers ne prennent vraiment le risque de dire « Allez-y, et NOUS verrons ».
Tout au plus ils testent le « Allez-y et VOUS verrez ».
Parce que pour dire cela, il faut une sacrée dose de confiance en soi, une sacrée dose de connaissance de soi, maitrise de soi et d’acceptation de ses émotions, une sacrée dose de compétences sociales.
Autant de postures qui ne s’acquièrent qu’avec le développement de ses capacités relationnelles et émotionnelles dont personne ne parle jamais.
Pourquoi ?
Pourquoi ne parlons-nous pas des émotions et de leur impact dans la performance, leur indispensable nécessité dans le monde futur. Pourquoi ne pas admettre que la sécurité affective favorise l’engagement et l’authenticité ? Pourquoi ne parlons-nous pas dès lors de la maturité relationnelle et émotionnelle nécessaires aux managers pour accueillir le doute, l’échec, la créativité des collaborateurs, le rêve ?
Alors que le dernier Rapport Capgemini research Institute 2019 démontre enfin l’impact de la prise en considération des émotions dans la performance, nous ne l’envisageons que très peu comme un axe majeur de développement des collaborateurs, et en particulier des managers. Discrètement, en chuchotant, nous le menons par le biais des coachings de dirigeants, dans la pénombre.
Comme s’il était tabou de développer ces capacités devenues stratégiques.
Je n’ai pas la réponse dans mon post, du temps qu’il sera nécessaire au monde de l’entreprise, pour s’engager massivement à faire évoluer ce regard. À faire évoluer une culture. Car il s’agit bien de cela. Une révolution culturelle.
Si la transformation digitale est admise, la révolution culturelle sur la place des émotions doit l’être. Car l’une ne peut vivre sans l’autre. L’obsolescence de l’ancien modèle, du taylorisme, de l’ère industrielle pure nous y amène.
Il devient urgent de mettre en lumière la nécessité de développer la maturité émotionnelle des dirigeants et de leurs équipes.
Et pour cela, je délierai ma langue, et ferai valser les mots et les idées reçues, autant de fois qu’il le faudra, quitte à cogner les ronds, contre les carrés.
#soyezunyck
#laissezlesemotionsvousrendremeilleur