Sommes-nous tous devenus des béni-oui-oui ?

Éclairage sur la désobéissance loyale

« J’ai adoré votre article, mais je n’ai pas osé le liker, de peur que mon boss le voit et me reproche de ne pas être alignée avec la culture de l’entreprise »

J’étais abasourdie. Voilà un des derniers messages reçus en privé sur LinkedIn suite à un de mes articles sur les émotions en entreprise. Il reflète malheureusement l’ambiance actuelle dans laquelle vive les leaders. Plus personne n’ose s’affirmer, et même pire décider.

Nous sommes entrés dans l’ère de la terreur. Celle de perdre son poste, ou d’être mis au placard. Car les leaders français, approchant la cinquantaine savent une chose : il faut 18 mois, pour trouver un poste. Et ce, dans le meilleur des cas : avec un salaire correct et une distance acceptable…

Alors on serre les fesses, les dents, on fait le dos rond, on ronge son frein… et on accepte tout plutôt que de prendre le risque d’être soi-même, de décider… et de perdre, même l’inacceptable.

Nos entreprises ont broyé la confiance des leaders, ils se cachent, derrière un ordinateur, un mail en copie, des jeux d’acteurs et de pouvoir. Car le discours tenu « Personne n’est irremplaçable » a fait son chemin émotionnel.

L’insécurité règne, comme une épée de Damoclès. Magnifique pression soi-disant garante de la performance.

Quelles conséquences au sentiment d’insécurité de l’emploi ?

Elle est immédiate. La peur inhibe tout ce qui est attendu d’un cadre dirigeant à savoir : l’audace, la créativité, la prise de risque, la décision et j’irai même jusqu’à dire la désobéissance.

La capacité de dire OUI, et celle de dire NON.

Non à cette réunion sans plus-value, NON à ce séminaire sans apport pour mon métier, NON à ces mails pour lesquels je suis en copie par pur habitude, NON à cette décision qui nous dessert… NON à cette stratégie oppressante ou marge de notre ADN.

OUI à cet investissement majeur, OUI pour prendre le temps de réfléchir, OUI à une stratégie innovante et osée…

La capacité de désobéir en somme. Quelle peut être la plus-value d’un bon soldat en position de direction ?

Diriger n’est-ce pas désobéir aux lois du réel ? N’est-ce pas penser le monde autrement que la manière dont tout le regarde, pour proposer nouvelle voie ?

Diriger n’est-ce pas risquer de proposer un autre possible… ?

Aujourd’hui ce risque est trop associé à la peur de perdre son poste. Les dirigeants ne dirigent plus. Ils tiennent la barre, pour éviter qu’elle ne bouge trop. Sans donner le cap, sans virer de bord, espérant que la tempête cesse…

Nous obtenons des dirigeants « oui oui », en pré burn-out, incapables de prendre du recul et s’opposer.

OUI c’est la terreur en entreprise. Et si vous likez ce poste n’ayez crainte 😉

Le comble du comble c’est que la spirale négative dans laquelle l’univers de l’entreprise s’englue, s’auto alimente.

Comme j’ai peur de perdre mon job, j’attends la validation du chef, qui attend lui-même celle du chef, etc. Je fais profil bas, je propose à demi-mot sans affirmer et j’attends… j’attends que quelqu’un décide, que le système décide à ma place. Et devant les chiffres catastrophiques et les résultats déprimants, je me consterne.

Nous nous réunissons entre cadres terrorisés, et nous croyons décider.

Mais rien qui ne soit « tranchant ». Car ce serait prendre un risque.

Alors tout est mou, tout est flou. Stratégie, plan d’action, l’organisation ne sont que de pâles copies de la précédente, un ersatz, une petite amélioration… et la roue reprend son cours. Identique à la précédente. Jusqu’aux prochains résultats, négatifs.

Peut-être une tête sera virée, pour l’exemple… l’insécurité augmentée… et nous rejouerons la même scène.

Une bande d’obéissants déloyaux 🙂

Bien-sûr, il existe encore des dirigeants qui osent… mais pour combien de temps encore ?

Bien-sûr mon tableau est caricatural, et loin de ce que vous vivez… et pourtant il vous fait sourire. Car nous ne sommes pas très loin de la vérité.

Une solution docteur ?

Un putsch… sur nos paradigmes.

Pour sortir de la spirale le hamster doit accepter de descendre da la roue dans laquelle il court. Et c’est son premier « Risque à prendre » : Apprendre à accepter de perdre… pour avoir tout à gagner. En particulier la liberté de penser et donc, d’agir.

Apprendre à Dire « NON » à la course effrénée. Envers et contre tous, tout le système s’il le faut.

L’équipe dirigeante doit réapprendre à se faire confiance, à s’écouter et prendre le temps d’écouter le marché, ses clients et ses équipes. OSER.

Elle doit accepter de prendre le temps dès lors que personne ne dit l’avoir.

Le temps est devenu le bien le plus précieux.

Et trop rare, sont les dirigeants qui s’imposent de le prendre, de réfléchir, d’observer…

Oui, il faut perdre du temps et de l’argent pour mieux en gagner. Accepter de voir plus long terme.

Il est temps, de challenger les dirigeants sur leur rapport à eux même, leurs peurs, leurs limites et leur capacité à reprendre le lead.

Sans aucun doute, ils le peuvent. Sans aucun doute, ils le doivent.

Mais plus important encore… ils en meurent d’EN-VIE. Et ainsi, l’entreprise reprendra VIE.

#BeUnyck#Audace#Risque#Désobéissanceloyale

Image de Stephanie Le Marec

Stephanie Le Marec

« Merci de nous obliger à regarder les moindres détails, même et surtout là où on aurait plutôt envie de mettre un grand coup de balai… »